Catégorie : rencontres

Natacha R.

L'article est en retard d'une semaine, mais j 'ai tenu quand même à le publier. C'est une rencontre informelle entre moi et Natasha, qui est paraît-il une star à Madagascar. Bon, en tout cas, j'ai bien envie d'y croire, d'autant plus qu'elle m'a promis des invitations pour le prochain Roland Garros. Enjoy...

En débarquant de l'aéroport de Nairobi, une dizaine d'années auparavant, ce fut le choc. J'ai cru arriver dans un pays peuplé entièrement de jumeaux. C'est-à-dire 25 millions de jumeaux. Vous pouvez rigoler, il suffisait de peu pour m'impressionner à l'époque et la perspective de confondre tout le monde et de se dire qu'on était arrivé dans un drôle de pays dépassait tout ce que je pouvais imaginer alors. C'est l'une des joies simples et innocentes quand on a 11 ans. Plus tard, il m'a fallu ensuite un semestre entier pour différencier les Kenyans entre eux. J'avais perdu tous mes repères et il fallait apprendre de nouveau à distinguer les petites différences ici et là, au niveau du visage, des yeux, des cheveux ou de l'apparence générale.

Arrivé en France, j'ai eu ensuite la même réaction. Bien sûr, ce n'était plus du tout à la même échelle, puisque après avoir fait le tour des lycées français de l'Afrique de l'Est, et vécu dans un milieu cosmopolite et multicolore pendant quelques années, on apprend à ne plus s'étonner de ce genre de détails. Mais même, vivre dans un milieu où il n'y a QUE des français m'épatait. Et je me rappelle encore qu'au début, je confondais une personne sur quatre dans ma classe prépa à Sophia-Antipolis.

Par contre, ce qui me rassure toujours, c'est que je peux encore et toujours reconnaître un malgache. Je sais qu'il me suffit d'un seul regard pour reconnaître un de mes compatriotes. C'est une sorte de sixième sens, gravée à vie dans le cerveau, qui à partir de la couleur de la peau, du visage, et des cheveux m'avertit immédiatement que j'ai en face de moi un malgache, ce qui, vous en convenez, s'avère bien utile.

Tenez, la semaine dernière, je suis parti regarder la finale de l' Open INT. C'est un tournoi de tennis organisé par des étudiants de l' INT (photos à l'INT), et il est paraît-il le plus grand tournoi de l'Essonne. Après un bref sondage, il apparaît cependant qu'aucun habitant d'Evry ne connaisse son existence. Les rares spectateurs y viennent certainement par désoeuvrement ou pour apprécier le beau temps et l'ambiance... Mais là n'est pas le sujet de cet article.

Juste en arrivant, j'ai reconnu tout de suite que c'était une malgache qui jouait la finale. A défaut de me faire encore plus intéresser au jeu, j'étais agréablement surpris de rencontrer pour une fois une malgache sur le campus, et qui de plus, excelle au tennis. Après avoir gagné le match, et donc le tournoi, j'ai discuté avec elle. Elle s'appelle Natacha Randriatefy. Beaucoup beaucoup plus tard, j'ai appris que Natacha était mine de rien classé 24ème au classement français et 2ème à Madagascar, et que son aînée, qui se prénomme Dally, était 7ème au classement français et aussi 1ère à Mada. Mais lors de cet après-midi, je vous avoue que nous n'avions pas parlé de tout cela et que c'était beaucoup moins informel. Je cherchais à me réconcilier avec le tennis et évacuer les mauvais souvenirs où on m'avait forcé à huit ans à manipuler une raquette beaucoup trop grande pour moi, et Natacha s'est avéré être une personne sympathique et généreuse, et qui voulait passer son après-midi tranquillement.

 

Houssame, Natacha, la superbe gagnate d'Open INT, Hery

 

J'ai alors appris qu'elle était une joueuse professionnelle dans le sens où elle participe à la saison française chaque année, et ce dès le mois d'Octobre. Rija et Max m'ont dit qu'ils s'entraînaient en France quotidiennement, pendant 10 mois dans l'année. Régulièrement, Natacha écume les tournois pour gagner des points et accessoirement pour aussi financer sa saison. Elle avait d'autant plus de mérite qu'elle le faisait en France, plus ou moins en solitaire.

Voyez-vous, en France, le tennis est l'un des sports les plus reconnus et jouit d'un grand prestige. Des efforts énormes ont été fait en matière d'équipement, d'organisation, des tournois et de l'infrastructure en général. Par exemple, le tournoi de Rolland-Garros est reconnu mondialement, et même si peu de français arrivent à s'y faire une place (c'est un euphémisme, pour ceux qui n'auraient pas compris), ce tournoi crée toujours un regain de passion pour le tennis dans la France toute entière.

 

de haut en bas, de gauche à droite :
Natacha, Rija, Max, Houssame, Hery

 

Je déplore le fait qu'une sportive malgache soit obligé de pratiquer dans un autre pays. Je comprends qu'on n'ait pas le choix dans les conditions actuelles, mais je ne peux m'empêcher de penser à toutes les possibilités si elle avait eu au moins une seule chance de jouer pleinement à Madagascar, avec le même sérieux qu'ici. Tous les passions que cela aurait créées, l'épanouissement ultérieur, un sport entier qui renaît…

Bien sûr, il faut rattacher cela à un problème beaucoup plus global, mais les heures passées avec Natacha m'a laissé un peu rêveur sur ce sujet. En tout cas, je souhaite une très bonne continuation à Natacha, Rija et Dali.


Mi Juin 2003